Echos du 24 mars avec Daniel Favre

 

Une cinquantaine d’enseignants ont convergé vers Charleroi ce 24 mars pour rencontrer l’auteur du livre “Cessons de démotiver les élèves – 20 clés pour favoriser l’apprentissage”. En amont de cette journée, nous avions préparé avec ces enseignants une série de questions à lui poser et des témoignages de pratiques à partager pour recevoir son feedback et profiter de ses idées pour les enrichir.

Avant de présenter quelques notes prises lors de cet événement, voici deux images pour montrer, d’une part, les spécificités de l’approche de Daniel Favre et celles de la gestion mentale, et d’autre part, les points communs que nous avons souhaité mettre en avant. Il est évident que ce n’est pas exhaustif, ni détaillé. Cela vous donne juste un aperçu et peut-être l’envie d’aller plus loin!

Changer de point de vue sur le concept de motivation

Comment motiver les élèves semblerait être une préoccupation de type behavioriste : comment les amener à faire ce que je voudrais qu’ils fassent avec le système de la carotte et/ou du bâton ?

Les recherches de Daniel Favre nous invitent à changer de point de vue : la motivation est multiple et peut se décrire en 3 systèmes qui habitent tous les êtres humains. C’est lié au fait que, dans notre cerveau, deux types de circuits neuronaux de renforcement (positif et négatif) nous influencent, notamment dans les apprentissages. Il faut distinguer circuits de renforcement positif de la notion de récompense, et circuits de renforcement négatifs de punition, ce n’est pas pareil.

Ces deux types de circuits engendrent 3 systèmes de motivation dans le modèle proposé par Daniel Favre :

  • La motivation de sécurisation (ou SM1) nous pousse à rester dans notre zone de confort, dans nos habitudes, dans ce que nous savons déjà bien faire. Ce qui nous sécurise vient de l’extérieur (par exemple, de bonnes notes, des encouragements du professeur, la reconnaissance des pairs, …).
  • La motivation d’innovation (ou SM2) nous pousse à innover, à apprendre du neuf, à explorer avec le risque de faire des erreurs (qui nous donneront des informations utiles pour progresser); cette motivation engendre de l’anxiété d’abord, et du plaisir ensuite (quand nous avons réussi ou progressé). Ici, la référence n’est plus externe comme dans le SM1, mais interne : notre cerveau nous permet de ressentir le plaisir d’avoir appris par nous-même. Le SM2 s’activera si le SM1 est en toile de fond : l’élève qui se sent sécurisé est prêt pour innover. Cela explique aussi que même dans des périodes intenses de créativité (SM2+++), à un moment, le SM1 se rappelle à nous, par exemple si nous avons faim, soif, si nous sommes fatigués.
  • La motivation d’addiction (ou SM1p – p pour parasité) nous offre une sécurité factice et dans laquelle nous pouvons être enfermés. Le terme addiction est à prendre dans un sens très large : cela va du chocolat aux certitudes, en passant par les bonnes notes ou la violence. Le risque est bien de rester bloqué dans ce SM1p qui nous offre une sécurité, certes, mais factice, comme écrit plus haut. Par ailleurs, le cerveau est un serviteur fidèle : si un jeune pense qu’il n’y arrivera pas, cela risque fort de se passer ainsi. Et notre société nous pousse à l’ « économie de la flemme » : tout est facilité pour que nous consommions de façon compulsive. Cela s’oppose au fonctionnement de l’école qui éduque de futurs citoyens responsables dotés d’un esprit critique. Pour aider les jeunes à sortir du SM1P, nous pouvons les « écœurer » en termes de SM1 pour qu’ils finissent par demander du SM2 (exemple : leur donner uniquement des exercices faciles à réaliser, jusqu’au moment où ils en ont assez car cela va finir par les ennuyer – nous devons devenir des adultes « incalculables », « imprévisibles », comme cette maman qui, au lieu de se fâcher sur son fils qui joue couché dans son lit alors que sa chambre est en désordre, vient simplement lui faire un bisou sur la joue, puis s’en va. Le jeune, surpris, active alors son SM2 et … range sa chambre ; attention : cela ne marche pas à tous les coups !).

Chacun d’entre nous est habité par ces 3 systèmes de motivation : notre cerveau peut en effet fonctionner en SM1, SM2 ou SM1p, mais pas en même temps. Nous sommes motivés en permanence, mais dans quel système ?

Ce qui est important, c’est de prendre conscience de ce qui nous motive et de l’analyser avec ce modèle pour rester un sujet à part entière, qui met des mots sur ce qu’il ressent, sans jugement, en sachant qu’il est libre de choisir de passer d’un système à l’autre. C’est aussi savoir que parfois nous sommes sujet, parfois, nous sommes objet. Cette éducation de la conscience nous rend libre de dire oui ou non au mouvement de la vie. Ce modèle nous permet d’avoir une meilleure prise sur le réel.

Des questions pour réfléchir à nos pratiques pédagogiques ?

Comment considérons-nous les élèves ? Comme des objets que nous contrôlons en les mettant en référence externe uniquement (carotte et/ou bâton), ce qui en fait des « adaptés »? Comme des sujets ? Acceptons-nous qu’ils nous disent non, par exemple ? 

Quel langage utilisons-nous en classe ? Des mots qui dogmatisent ou une pensée ouverte ? Comment éduquons-nous les jeunes à l’incertitude ? -> équilibre à trouver entre les 2 types de langage

Quelle place laissons-nous aux émotions ? Les leurs, les nôtres ? -> émotions et cognition sont étroitement liées. « L’eau, c’est comme les émotions, il n’y a pas de problème tant qu’elle peut s’écouler. » (Daniel Favre, 24 mars 2023)

Nos cours répondent-ils à une absence de questions de leur part, ou partons-nous de leurs interrogations pour guider les apprentissages ? -> résoudre une énigme en ayant la possibilité de chercher, de tâtonner, de se tromper, puis de trouver, cela nourrit la motivation d’innovation.

Toutes ces questions nous invitent à la réflexion et nous emmènent vers un nouveau paradigme éducatif qui implique, entre autres, l’abandon de certaines pratiques telles que l’évaluation en continu, l’abandon de l’idée d’être à l’origine de la motivation des élèves, les messages implicites, l’idée qu’il y a de bons et de mauvais élèves, etc.

Et si les enseignants faisaient en sorte que leurs matières soient des solutions pour résoudre des problèmes ou des énigmes ?

Et si les enseignants parlaient en termes de conformité aux attentes, d’écart par rapport à une norme, plutôt que de bons ou de mauvais résultats ?

 

Motivation et gestion mentale, sources de travail collaboratif

Dans les 24 écoles participantes au projet de formation et de suivi en gestion mentale de la zone 10, de plus en plus d’enseignants ont acquis des connaissances et découvert des pratiques pédagogiques qu’ils ont transférées dans leurs classes. Toutefois, nous constations que la collaboration entre collègues formés et « pratiquants » restait anecdotique dans la plupart des établissements scolaires. Nous avons donc eu l’idée de proposer un suivi INTRA-ECOLE, réunissant des enseignants d’une même école, les invitant à mettre en ébullition leur intelligence collective autour de la gestion mentale et la motivation.

Nous avons préparé deux journées, nous basant sur l’approche de Daniel Favre dans son livre : « Cessons de démotiver les élèves, 20 clés pour favoriser l’apprentissage », aux Editions Dunod. C’est très complémentaire à la gestion mentale. En effet, l’auteur apporte un éclairage neuroscientifique sur le fonctionnement de notre cerveau, et sur le fait qu’émotions et cognition sont étroitement liés, et que nous avons plusieurs sources de motivation, interne et externes. La gestion mentale, nous ayant outillé pour expliciter COMMENT se mettre aux commandes de son cerveau pour apprendre, nous permet de mieux nous servir de ces clés.

Nous n’avons finalement pu organiser  une seule journée en ce troisième trimestre, et la deuxième est reportée à l’année scolaire prochaine (si le projet est reconduit par la zone). Nous avons eu l’occasion d’aborder les clés 1 à 8, ainsi que la 18 qui est celle du travail collaboratif.

 

La clé 5 est centrale dans son ouvrage, puisqu’elle présente les 3 systèmes de motivation qui nous habitent tous : celui qui nous sécurise (SM1), celui qui nous amène à innover (SM2), et enfin, celui qui nous coince dans l’addiction (SM1p). Pour apprendre, les 3 systèmes sont à l’œuvre, et l’auteur, Daniel Favre, nous l’explique dans la vidéo suivante, extraite d’un congrès mondial sur la pensée complexe organisé par l’UNESCO en 2016.

Dans la clé 6, Daniel Favre nous explique la courbe de l’apprentissage, qui montre clairement que face à un problème inédit, il est normal de vivre une déstabilisation cognitive et émotionnelle, et que grâce à des essais/erreurs, des explorations, tâtonnements, découvertes, l’apprenant va remonter la courbe, vers un état émotionnel agréable, car il aura solutionné le problème.

Dans ce reportage, « Apprendre autrement, A la découverte de la motivation des élèves », (Une expérimentation en collèges, académie de Créteil. Film réalisé en 2019 par Vincent DOUBRERE, ICE Production et financé par le Fonds Social Européen), vous verrez qu’une enseignante exploite cette courbe de l’apprentissage en classe, et que certains élèves lui reconnaissent une utilité pour nourrir leur motivation.

 

Vidéo: Comment piloter son cerveau?

Axelle Adell est praticienne et formatrice en gestion mentale. Elle travaille dans le sud de la France. Dans le but de rendre la gestion mentale plus visible, elle a réalisé cette première vidéo, dans laquelle elle fait un parallèle clair et intéressant sur les deux approches que sont la gestion mentale (et l’activité mentale) et les neurosciences cognitives (et l’activité neuronale). Dans la vidéo, vous verrez également quelques témoignages de personnes ayant pratiqué la gestion mentale avec Axelle. Pour la visionner, cliquez sur l’image ci-dessous, extraite de la vidéo.

Et vous, seriez-vous prêts à témoigner en vidéo?

Capsules scientifiques sur le cerveau

Il y en a pléthore sur internet, on est bien d’accord.

Celles dont je souhaite vous parler aujourd’hui sont réalisées par un de mes anciens élèves, Kevin Iacobellis, qui, après des études en biologie des organismes, s’est spécialisé en neurosciences. Il vient de créer une page Facebook sur laquelle il partage des petites vidéos sur le cerveau qu’il a réalisées pour le collège des Etoiles (dont il y a une antenne à Charleroi), à destination d’élèves du secondaire et d’étudiants en Haute-Ecole.

La première répond à la question “Utilisons-nous 10% de notre cerveau?”. Il s’agit d’un neuromythe très répandu, qui a donné lieu à pas mal de publications (faites une recherche sur Google – ou un autre moteur de recherche, ce n’est pas ce qui manque – et vous le constaterez par vous-mêmes).

Voici ce que dit Kévin de cette première capsule: “Ma vidéo est inédite en ce sens où elle justifie le neuromythe, elle ne fait pas que le citer comme beaucoup à vrai dire. J’en donne une preuve par le langage.”

La deuxième, que j’ai trouvé plus adaptée à des élèves du secondaire, répond à une question intéressante car nous avons, il est vrai, cette habitude de comparer le cerveau à un ordinateur ou à un disque dur: “Peut-on comparer le cerveau à un ordinateur?”

En moins de 4 minutes, vous comprenez pourquoi c’est une erreur de penser que notre cerveau fonctionne comme un ordinateur!

Kevin est preneur de commentaires qui pourront l’aider à améliorer ses capsules, donc n’hésitez pas à lui écrire un petit retour si vous les visionnez!

Le cerveau fonctionne à 2 vitesses

Dans un livre publié en 2011, “Les deux vitesses de la pensée – Système 1, Système 2”, Daniel Kahneman, psychologue et économiste israélo-palestinien (qui a par ailleurs reçu le prix Nobel d’économie en 2002), nous en apprenons plus sur le cerveau et son fonctionnement: il y aurait deux systèmes de pensée dichotomiques, le rapide (système 1 – instinctif, émotionnel, permettant de juger vite et de prendre des décisions en mode automatisé) et le lent (système 2 – plus réfléchi, plus logique, permettant d’analyser, de critiquer, de prendre du recul). Vous vous doutez que le deuxième mode de pensée est plus énergivore et fatiguant, s’active consciemment, là où le premier s’active presque à l’insu de notre plein gré et nous permet d’économiser notre énergie.

Ce livre est également intéressant car il met en avant les biais cognitifs (thème d’un article précédent) associés à l’un ou l’autre système de pensée pour expliquer que nos jugements sont parfois trompeurs.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ces deux types de pensée, voici une vidéo d’une dizaine de minutes, qui vous en donne les caractéristiques essentielles, la manière dont ils sont interdépendante, et leurs limites.

Cette vidéo a été réalisée par “Foad Spirit”, mise en ligne le 6 avril 2018, et est présentée ainsi:

Comment notre cerveau fonctionne-t-il ? Comment appréhende-t-il la réalité ? Comment fait-il des choix ?

L’importance de réactiver les infos mémorisées

Toujours par l’intermédiaire de ma collègue qui donne cours de SVT dans 2 établissements scolaires en France (un collège et un lycée), j’ai découvert un autre outil: le SAC A SOUVENIRS de réactivation collective pour une classe.

C’est suite à une formation continuée sur les Cogniclasses que cette enseignante et plusieurs de ses collègues ont instauré ce sac à souvenirs dans une classe “test”. Vous l’avez compris, il s’agit bien d’un sac, mais de quoi est-il rempli?

Et bien, il contient toute une série de “flashcards” préparées par les enseignants des différents cours. J’ai trouvé une description de cet outil de réactivation collective sur le site “Apprendre et former avec les sciences cognitives” qui relaie le témoignage d’une expérience menée dans une école française (Collège Saint-Exupéry, 95 Ermont), dans laquelle il est question de fiches de mémorisation déjà évoquées ici, des ardoises utilisées par les élèves, dont il est déjà question ici (en lien avec l’enseignement explicite), et de Plickers, déjà mentionné .

Le sac à souvenirs, contient des cartes de questions/réponses (recto/verso) que chaque professeur introduit après chaque cours, qui reprennent les connaissances présentes dans les fiches de mémorisation. Le sac à souvenirs reprend le principe de la réactivation répétée dans le temps, nécessaire à la consolidation des connaissances à long terme.
Les cartes de la semaine 1 se retrouvent dans le sac en semaine 3, 7 et 14, en plus des cartes de la semaine en cours. Cela permet d’éviter les effets de l’oubli. Pour se repérer, il est mis des gomettes de couleur sur les cartes, dont la couleur change toutes les semaines. Au début de chaque cours, les élèves sont interrogés sur deux ou trois cartes tirées au sort par le professeur et écrivent leurs réponses sur leurs ardoises (des tests ont été tentés positivement avec la technique Plickers).
Cette étape ne doit pas excéder cinq minutes. L’enseignant pose rarement des questions de sa discipline, puisque les cartes de toutes les disciplines sont mélangées. Le sac à souvenirs est devenu un véritable rituel de la classe: les élèves le réclament !

Cela demande une coordination et un travail d’équipe entre enseignants d’une même classe, et permet de ritualiser la réactivation régulière, montrant ainsi aux élèves que cela aide à retenir les informations à plus long terme.

La mémorisation est souvent citée comme le point faible de beaucoup d’apprenants: nous pouvons, en tant qu’enseignants, leur montrer/leur faire expérimenter des techniques efficaces pour installer les informations dans un imaginaire d’avenir à long terme.

Restons dans les ressources “Affiches pédagogiques”!

Sur le site d’ASH91 (Les posters d’ASH – dans le cadre de l’école inclusive), vous pouvez télécharger une série d’affiches ou posters pédagogiques (réalisés par François Bajard en 2018) qui présentent différents thèmes intéressants, comme les types d’erreurs (selon J.P. Astolfi), la taxonomie de Bloom, les fonctions exécutives du cerveau, le cerveau en chiffres, les neurosciences, les différents types de mémoire, l’inhibition, etc.

Si vous souhaitez les utiliser, c’est possible en respectant les critères de partage (cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons : Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International).

Vous pouvez également vous en inspirer pour créer vos propres affiches, notamment pour mettre en évidence la gestion mentale. N’hésitez pas à m’envoyer vos productions si vous êtes d’accord de les partager.

Voici 2 exemples de ces affiches:

Les 4 piliers de l'apprentissage 2

Les types de mémoire

 

Les biais cognitifs

A l’ère des “fake news” ou “infox”, il est utile et pertinent de s’interroger sur les “biais cognitifs” (ou raccourcis mentaux) qui agissent comme des filtres sur notre pensée logique et rationnelle et nous font porter des jugements rapides, parfois de manière très utile, et parfois qui sont totalement faux, que ce soit dans des situations de la vie courante ou dans les apprentissages scolaires. Il en existe plein (plus de 200 selon certaines sources), et une petite recherche sur internet vous en donnera la mesure.

En introduction, cette vidéo mise en ligne par “Monkey, l’actu décryptée”, le 29 janvier 2018: “Notre cerveau face aux fake news” avec Albert Moukheiber (dont je vous parle du livre en fin d’article).

En tant qu’enseignants, comment les éviter pour nous-mêmes?

“Les enseignants, comme beaucoup, prennent une multitude de décisions à la minute. Plus cette prise de décision est rapide, plus l’on est susceptible de faire des raccourcis mentaux et donc d’utiliser des biais cognitifs.” (“Les biais cognitifs sont-ils (in)évitables? Vers un environnement d’apprentissage optimal”, note de synthèse réalisée par Racky Ka-Sy, Phd en psychologie sociale, Synlab, 2018, p.3)

Et comment enseigner à nos élèves à développer leur esprit critique et à inhiber ces jugements qui altèrent leur raisonnement et les mettent, notamment,  en difficulté scolaire?

Une meilleure connaissance des biais cognitifs permettrait aux enseignants de les identifier plus rapidement et de mieux les dépasser. Ainsi plus aguerris, l’enseignant sera plus armé pour transmettre son savoir sur ce type de sujets et contribuer au développement de l’esprit critique des élèves.” (Ib., p.3)

Un exemple classique en math:

Un crayon et une gomme coûtent 1.10 euros au total.
Le crayon coûte 1 euro de plus que la gomme.
Combien coûte la gomme ?
Lorsque vous essayez de répondre à ce problème, la réponse intuitive qui vous vient immédiatement à l’esprit est ‘10 cents’. En effet, environ 80 % des étudiants à l’université confrontés à ce problème donnent cette réponse (BourgeoisGironde & van der Henst, 2009). Mais elle est fausse. De façon évidente, si la gomme coûte 10 cents, le crayon coûtera 1.10 euros (i.e., 1 euro de plus), et le total devrait alors coûter 1.20 euros, et non 1.10 euros comme indiqué dans l’énoncé. La réponse correcte est bien entendu ‘5 cents’ (i.e., le crayon coûte 1.05 euros). Cette erreur fréquente de raisonnement s’explique en termes de substitution d’attributs. Les raisonneurs substituent l’attribut critique ‘plus que’ par un attribut plus simple. C’est–à–dire que ‘le crayon coûte un euro de plus que la gomme’ sera lu comme ‘le crayon coûte 1 euro’. Par conséquent, plutôt que de travailler sur la somme totale, 1.10 euros, les raisonneurs analysent le problème de façon naturelle en dissociant 1 euro et 10 cents, ce qui est plus facile. (…) Clairement, si les raisonneurs y réfléchissent un peu plus longtemps, ils trouveront surement leur erreur, et noteront qu’une gomme qui coûte 10 cents et un crayon qui coûte 1 euro de plus, ne peuvent pas coûter à eux deux 1.10 euros. La difficulté avec la substitution d’attributs semble être que les raisonneurs n’ont pas conscience qu’ils substituent un attribut par un autre et se trompent (Kahneman & Frederick, 2005 ; Thompson, 2009 ; Toplak, & al., 2011).
La première étape est donc de prendre conscience que ces biais existent, car ils sont des automatismes. Si nous nous rendons compte qu’ils peuvent influencer notre raisonnement, notre vision du monde et notre manière d’enseigner, nous sommes capables de solliciter notre esprit critique, de prendre du recul, de douter, de déployer notre curiosité et de revoir notre position.
“Peut-être faudrait-il apprendre à adopter plus souvent l’attitude d’un juge d’instruction ou d’un détective qui suit pas à pas des indices pour en arriver à une solution construite, autrement dit adopter un raisonnement déductif. l’idée n’est pas de rejeter en bloc systématiquement nos croyances, mais de les mettre parfois à distances, le temps de considérer des thèses qui les nuancent ou s’y opposent.” (Source: “Votre cerveau vous joue des tours”, Albert Moukheiber, Allary Editions, 2019, p.85)
Ensuite, nous pouvons accompagner nos élèves pour qu’ils aiguisent leur esprit critique. Il existe des ressources intéressantes pour nous donner des idées ou pour aller plus loin dans la connaissance de ces biais cognitifs.
Entre autres:
  • “Votre cerveau vous joue des tours”, Albert Moukheiber, Allary Editions, 2019: livre dans lequel l’auteur, psychologue clinicien et chercheur, nous explique pourquoi notre cerveau nous enferme parfois (souvent?) dans des approximations, de l’illusion, des erreurs. Dans la dernière partie, l’auteur présente une “boîte à outils pour plus de flexibilité mentale”.
  • Codex des biais cognitifs – Pensée critique, 2016, article PDF (Traduction française du travail de John Manoogian III et Buster Benson – voir noms des nombreux contributeurs dans le document)
  • Une chaîne Youtube, “La tronche en biais”, qui propose une série de vidéos sur les biais cognitifs et l’esprit critique (Vled et Acermendax parlent zététique, esprit critique et méthode. Ils posent notamment la question : comment sait-on que l’on sait ce que l’on sait ?)
  • Blog “Science étonnante” de David Louapre (chercheur en physique) et sa série de vidéos sur les biais cognitifs: “Crétin de cerveau” 
  • Blog “Chèvre pensante” et ses articles invitant à la critique des médias pour éviter les “Bhêêê cognitifs”
N’hésitez pas à enrichir cette liste en indiquant vos ressources en commentaires. Merci!

Des ressources sur l’attention

L’attention, LE geste mental qui ouvre la porte aux autres. Sans attention, pas de mémorisation possible, ni de compréhension ou de réflexion, encore moins d’imagination. C’est LE geste mental qui fait défaut à beaucoup d’apprenants en situations d’apprentissage.

Si la gestion mentale permet aux enseignants d’expliciter à leurs élèves COMMENT ils peuvent entraîner leur attention, il existe de plus en plus de ressources venant des neurosciences cognitives qui nous donnent l’occasion de comprendre les liens entre fonctionnement du cerveau et attention. L’approche est donc différente (elle est scientifique, et valable pour (presque) tous les individus, là où la gestion mentale, au-delà des incontournables liés au geste d’attention, accueille chaque individu dans ses différences), et plutôt complémentaire de la gestion mentale.

Thot Cursus met en ligne des ressources intéressantes pour cette approche neuro-cognitive de l’attention. Par exemple, “Focaliser son attention, un facteur essentiel de réussite“, basé sur une question posée par Eduscol à deux spécialistes: « Déficit d’attention des élèves, comment agir ? », Véronique GASTE (spécialiste des troubles de l’attention (TDAH)) et Grégoire BORST, psychologue et spécialiste des sciences cognitives, qui ont fait une conférence le 27 mai 2019, disponible en ligne. L’article qui s’y réfère résume la conférence et propose d’autres ressources en bas de page.

Autre exemple: “L’attention, comment ça marche?“, moins récent (2016), qui se base sur une intervention de Jean-Philippe Lachaux, spécialiste du cerveau, qui a écrit plusieurs ouvrages en lien avec l’attention, dont “Le cerveau attentif” ou “Les petites bulles de l’attention”.

Métacognition en école supérieure

C’est en France, dans une université en sciences sociales qui compte 7 campus et attire des étudiants du monde entier, que des ateliers de métacognition pour apprendre à apprendre ont été proposés aux étudiants de sciences politiques, sur base volontaire.

Dans la courte vidéo qui suit, vous pourrez à nouveau constater combien la pédagogie des gestes mentaux (ou des moyens d’apprendre) est totalement d’actualité: si la démarche proposée aux élèves de cette université se base sur les recherches sur le fonctionnement du cerveau, la description qu’en fait Camille Benoît (psychiatre, fondatrice de psyadom.com, site de soutien scolaire à domicile) rejoint ce que nous faisons en classe avec nos apprenants quand nous utilisons le dialogue pédagogique pour développer la pédagogie de l’entraide et la prise de conscience des stratégies mentales efficaces.

Merci à Florence Le Bras (@flebras56 sur Twitter) pour le partage.

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